Le
livre en vente
sur www.dauphinweb.com
ITV 1 "France
Delory":
Depuis la nuit des
temps, le dauphin cherche à rentrer en contact avec son cousin terrestre, l
'homme.
Fresques de la
civilisation crétoise, récits de la grecque antique,
légendes indiennes, rêves aborigènes, autant de
témoignages qui certifient que l 'homme et le dauphin
lient une solide histoire d 'amitié.
Depuis le début des
années 70, il existe même un nouveau phénomène, celui du
dauphin ambassadeur, ces cétacés au comportement
atypique qui choisissent de rencontrer les hommes dans
les ports ou prés des plages. Eric Demay part à la
rencontre de ces animaux sur toutes les mers du globe,
sur les plages de l 'Ouest australien, en Floride ou aux
Bahamas et parfois même en France. De 1992 à 1995, il
est chargé d 'étude pour le GECEM, le Groupe d 'étude
des Cétacés de Méditerranée, pour le suivi du dauphin
Dolphy prés de Collioure. Il vit alors 24h/24h en
compagnie de cette femelle dauphin et enregistre une
mine d 'information. En 2000, il sauve la vie d 'un
dauphin "bleu et blanc" en lui retirant un hameçon
trident planté au fond de la bouche, une premiere
mondiale avec un dauphin de cette espèce.
Comment vient on à
consacrer sa vie aux dauphins?
Il s 'agit en fait d
'une rencontre, c 'était sur la plage de Bunbury en
Australie occidentale. Ici, les dauphins vivent en
réelle harmonie avec les hommes, malgré quelques
réticences de la part de certains pêcheurs. J 'ai appris
que ces cétacés avaient un pouvoir de communication
inouï, des possibilités physique exceptionnelle. Il y
avait cette delphine du doux nom de Sarana; elle m
'avait présenté son bébé qui venait de naître, une
réelle joie, un moment d' émotion intense. De la part d
'un animal sauvage, son geste était un véritable cadeau,
un privilège de la nature. La nuit suivante, le
delphineau mourut et la peine de la mère fut
considérable. Elle m'apporta son petit croyant sans
doute que je pourrais faire quelque chose pour soulager
sa douleur. Je la voyais pousser du bout du rostre ce
petit dauphin sans vie. L ' équipe du "Dolphin Discovery
Centre" qui suit la centaine de dauphins dans la baie de
Bunbury me chargea d 'accompagner la delphine et de la
soigner. Pour moi, ce fut une véritable révélation. De
retour en France, il me fallait continuer, c 'est ainsi
que l 'aventure "Dolphy" commença.
Dolphy était un
dauphin ambassadeur?
Oui, en fait le nom
ambassadeur n 'est pas reconnu par la milieu
scientifique. C 'est une sorte d ' "appelation" qui veut
que ces dauphins sont des émissaires venus à la
rencontre des humains qui les alertent sur les problèmes
de pêche ou de pollution. Dans l 'absolue, l 'expression
n 'est pas si utopique puisque par exemple avec Dolphy
sa présence m 'a permis d ' informer le public sur tous
nos problèmes liés à l,'écologie marine, par les biais
de conférences ou de publication avec les médias
locaux.
Le problème du dauphin
dit "ambassadeur" est que sa familiarité avec l 'homme
est parfois excessive. Il nous faut alors informer le
public sur ce que représente réellement un dauphin, un
animal sauvage et non un jouet de cirque seulement bon à
sauter dans un cerceau. Avec Dolphy c 'était encore plus
délicat car l 'été venue, des milliers de touristes
affluaient pour la voir, et la toucher! J 'ai été obligé
de monter une équipe de surveillance afin de surveiller
la quiétude de son sommeil, une véritable organisation
de rangers.
Ce dauphin était
en fait une femelle?
Oui, et ce n'était pas
simple. Avec un mâle, c 'est très différent. Lui ne se
laisse pas faire, dés qu' il y a abus de la part des
nageurs il peut mordre ou donner des coups de queue ou
de rostre. Il peut se débrouiller presque tout seul. Les
femelles sont plus dociles et du coup elles se font
moins respectées. Il n ' y a qu 'à voir les animaux de
cirque, toutes espèces confondues: les femelles
prédominent . Allez dresser un mâle c 'est déjà plus
difficile. La seule chose qui m' inquiete parfois est
que certains ambassadeurs sont des mâles comme c 'est le
cas avec les deux dauphins aperçus récemment sur la côte
atlantique française. En Bretagne un des deux dauphins à
mordus des baigneurs trop pressants. Ce n 'est pas très
grave mais des situations plus extrêmes ont déjà eu lieu
notamment au Brésil où un dauphin a tué un baigneur en
lui percutant le ventre d 'un coup de
rostre.
Quelle serait a
meilleure attitude à adopter?
Tout simplement le
respect et l 'humilité. Nous avons à faire à des
individus à priori intelligent à la structure sociale
complexe. De quel droit pouvons nous toucher un tel
animal, imposer notre loi? Ce sont des animaux sauvages
et rien de plus et il faut les respecter en tant que
tel. Il est vrai que les médias ne nous donnent pas
toujours la meilleure attitude à suivre. Le dauphin est
souvent représenté en tant que clown et dés que une
personne est à l 'eau, elle s 'agrippe à l 'aileron
dorsal du malheureux animal. Je dis malheureux car le
sourire du dauphin n 'est que une illusion, une
spécificité de la physionomie de ses mâchoires. N
'oublions pas que les cétacés représentés lors de pub ou
de série de fiction comme Flipper sont tous des dauphins
dressés issus de la captivité.
Et vous, quel est
excatement votre attitude?
Cela dépend du contexte,
du lieu mais surtout de l 'animal. Chaque individu a sa
propre personnalité et puis cela dépend aussi de l
'espèce. De maniere générale, je ne saute pas à l 'eau
tant que je n 'ai pas correctement analyser la
situation: le dauphin désire t 'il le contact, chasse t
'il ou dort t 'il ? Toutes ces questions sont à prendre
en compte. Une fois dans l 'eau, je ne vais jamais en
direction de l 'animal question de stratégie. Si ce
dernier désire le contact, il prendra lui même l
'initiative et l 'interaction ne sera que
meilleure.
Mais alors à quel
moment peut on parler d
'interaction?
L 'interaction peut
commencer très tôt, ne serait ce que par le regard. Un
coup d' oeil de part et d 'autres c 'est déjà une façon
de se dire "bonjour, comment vas tu?". Si le dauphin
fait demi tour pour vous regarder de nouveau, c 'est
encore une sorte de communication. Si de votre côté vous
ne le touchez pas alors qu'il passe très prés de votre
main vous lui donnez alors toute votre
confiance.
Bien entendu cela peut
aller bien plus loin. Si le dauphin prend votre main
dans la bouche en la mordillant très délicatement, il
vous fait comprendre que vous pouvez avoir confiance.
Cette situation m'est arrivé pas mal au début lorsque je
n 'étais pas sûr des motivations de l 'animal.
Et puis il y a le
mimétisme que ce soit corporel, par la gestuelle ou
sonore. Votre façon de nager peut intéressé l 'animal,
sur le dos ou la tête à l 'envers contre le fond, bien
sûr vaut mieux savoir nager!
Les sons aussi sont très
important et il m'est arrivé souvent d 'échanger une
conversation faite de cliquetis et ce claquements: je
sais faire quelques sons dauphins depuis mon enfance qui
amusent beaucoup mes amis aquatiques.
Quel est l 'avenir
pour les dauphins ambassadeurs?
Une chose
est certaine, il y aura de plus en plus de dauphins qui
chercheront à rentrer en contact avec l 'homme, j 'en
suis persuadé. Maintenant, tout n 'est pas rose, l
'homme n 'est pas encore prêt pour vivre en harmonie
avec le monde sauvage, mais les mentalités évoluent. Il
faudra un jour légiféré car les textes protégeant les
cétacés ne sont pas bien adaptés à la situation du
dauphin ambassadeur. Dans la Grêce antique, le dauphin
était Roi mais depuis les choses ont bien changé.
Désormais nous connaissons mieux cet animal sauvage,
aurons nous l 'humilité nécessaire pour lui laisser une
place prés de nous, je l 'espère.
ED -surveillance
de Dolphy à Collioure-1992
ITV 2 "Sandra
Guyomar":
Dur de se présenter finalement, mais bon
en ce qui concerne l'activité qui me lie aux dauphins je
suis très à cheval sur notre relation avec les
animaux sauvages et en particulier le cétacé. J'ai été pour
ainsi dire formé au sein du
« Dolphin Trust de Bunbury » en Australie,
maintenant remplacé par le « Dolphin Discovery Centre ».
J'ai eu cette chance fabuleuse de rencontrer
des passionnés qui respectent réellement le dauphin. J'ai
toujours voulu développer cette éthique en France même si les
débuts furent très difficiles car le Français est du genre
plutôt râleur à tendance jalouse ! Je crois qu'avec et
grâce à Dolphy de Collioure les idées reçues sur le
dauphin sauvage ont bien évolué en France (je pense
en fait à la question du
« dauphin-jouet » que tout le monde veut toucher coûte que
coûte). Pour le reste je m'efforce d'ouvrer pour
la protection des delphinidés en général auprès du grand
public. Par exemple un documentaire de 52
minutes sera diffusé sur « Télé Cannes » cet été concernant
la relation entre l'homme et le dauphin.
J'ai entièrement produit et réalisé ce reportage avec l'idée
d'aider la cause des cétacés. La caméra sous-marine est en
fait un des accessoires qui me lie maintenant aux
dauphins. Je pense que le dauphin ambassadeur est
un élément essentiel pour la protection des cétacés, de la mer
et de notre relation avec le monde naturel. Et
il faut être très prudent avec l'utilisation médiatique
qui en est faite, alors je veille au grain !
Par exemple, pour les dauphins des Embiez en
2000, il s'en est fallut de peu pour que ce soit vraiment
le cirque. Maintenant, il m'arrive toutefois de
rencontrer des dauphins en Méditerranée avec le simple plaisir
de les voir évoluer. Cet hiver se sera l'Afrique
pour quelques photos de Tursiops aduncus et si, à mon
retour, je peux témoigner avec quelques belles images de
la fragilité des océans et bien c'est tant
mieux.
-Pourriez-vous nous livrer un ou
plusieurs témoignages de vos rencontres avec un dauphin
ambassadeur/solitaire ?
NB : Eric Demay a
vécu, il y a quelques années, une rencontre très forte
en émotion avec une dauphine, surnommée Pointe
Noire. Elle ne peut pas être considérée à proprement
parler comme une ambassadrice/solitaire, mais une partie
de son vécu doit être rapproché du sujet qui nous
intéresse, puisqu'il semblerait que Pointe Noire se soit
rapprochée de l'homme car elle avait besoin d'aide.
Ce témoignage est
l'occasion de revenir sur l'histoire des dauphins des
Embiez :
« Début octobre
2000, sept dauphins 'Bleu et Blanc' rentrent dans le
port de l'île des Embiez (Var). Deux delphines y
restent. L'une d'elles meure et l'autre est retrouvée
avec un hameçon planté dans la gencive. Après 40 minutes
de communication, elle pose volontairement sa tête entre
les mains d'Eric Demay qui finit par la soulager en lui
extrayant l'hameçon. L'expérience vécue par ce
spécialiste des dauphins sauvages est une première
mondiale ! »
Le Dauphin Bleu et Blanc
vit en groupe. Sa durée de vie est d'une quarantaine
d'années. Il s'agit d'une espèce ludique qui se tient à
distance de l'homme.
« Mercredi 10 octobre
2000 :
J'aimerais que
la delphine, 'Pointe Noire', quitte le port le plus tôt
possible. Elle est encore là, solitaire, maigre et
affaiblie. Elle garde la bouche ouverte à cause d'un
hameçon trident planté dans la mâchoire. Elle s'est
certainement jetée sur un des appâts attachés par un fil
à un quai du port. Et dire que c'est une technique de
pêche interdite ! Blessée, la delphine ne peut plus
ni chasser, ni avaler de poisson.
Ce matin,
une équipe de télévision a prévu de réaliser un sujet
sur cette delphine restée seule dans le port des Embiez.
Les journalistes vont être servis. Il est trop tard pour
annuler leur reportage. Et, je dois me concentrer sur le
cas de 'Pointe Noire' à qui j'ai vraiment envie de dire
'Tu sais, j'en ai connu des dauphins 'galère', mais toi,
tu es vraiment incroyable ! Pars loin de nous, tu
n'as rien de bon à espérer en restant. Tu as voulu
attraper un poisson dans le port et voilà le
résultat'.
Patrick
Lelong et Yvan Martin, qui travaillent tous deux à
l'Institut Océanographique Paul Ricard, sont présents.
Ils peuvent s'occuper des journalistes à ma place.
Daniel Rebillard, un plongeur confirmé est là aussi.
Tous se demandent ce que je compte faire. Ma réponse est
sans appel : enlever l'hameçon sans utiliser
d'outils mais avec la collaboration du dauphin. Facile à
dire ! Les scientifiques n'y croient pas ;
pour eux la seule solution est de capturer la delphine
et de lui extraire l'hameçon avec des pinces. Mais un
dauphin sauvage ne se laisse jamais faire, alors un
Stenella n'en parlons pas.
Pour être
le plus près possible de l'eau, je descends sur une
annexe. 'Pointe Noire' arrive immédiatement et pose sa
tête entre mes mains. Un fil long de plus d'un mètre
pend du rostre. A ce moment précis, je peux agir mais je
ne me sens pas prêt. Si ma tentative échoue, deux ou
trois jours seront nécessaires avant que la delphine
reprenne confiance et revienne vers moi. Je file
chercher ma combinaison et quelques sardines pour la
nourrir.
Assis sur
le rebord de l'annexe, les pieds dans l'eau, je commence
à siffloter doucement. J'enlève mes chaussons de
néoprène afin que 'Pointe Noire' sente la proximité de
ma peau, astuce que j'utilise depuis longtemps avec les
dauphins 'à problème' et qui m'a toujours porté
chance ! Les sardines sont trop grosses, mais je
veux absolument alimenter la delphine
affamée.
Je les
coupe donc en deux ou trois afin de les lui glisser par
le côté de la bouche. L'hameçon empêche toute absorption
de face comme le font normalement les dauphins. Elle
avale les morceaux dans n'importe quel sens.
Habituellement, une fois attrapé, le poisson est tourné
la tête la première en direction de l'osophage ; la
forme fuselée du poisson facilite le passage vers
l'estomac. Je lui donne les morceaux dans le bon sens,
en plaçant mes doigts entre ses dents. L'hameçon lui
fait mal et empêche tout mouvement de mâchoires. Ce
gavage pathétique s'éternise.
De
temps en temps, elle se laisse toucher ce qui me permet
d'évaluer précisément la situation : l'ardillon (le
dard en quelque sorte) de l'hameçon est bien enfoncé. En
cas d'extraction, la douleur
sera très vive. En opérant avec des pinces, j'arracherai
forcément une partie de la gencive. Je tente de lui
offrir une sardine entière qu'elle avale très
difficilement. Je cherche ainsi à lui expliquer que je
ne lui en couperai pas de petits morceaux éternellement.
Le seul dénouement possible est de la débarrasser de cet
hameçon. Daniel me passe une paire de pinces, dont je
montre le fonctionnement à la delphine, tout en la
nourrissant. Elle s'en approche sans crainte. Je peux
alors la saisir et arracher l'hameçon de force, mais
cette option ne me convainc pas : je risque de lui
faire mal et elle ne se laissera plus approcher.
D'ailleurs je la sens
hésitante.
A chaque
fois qu'elle se rapproche, je garde mes mains grandes
ouvertes près de ses yeux, partie la plus fragile du
corps. Je reste extrêmement serein et déterminé, mes
mains ne tremblent pas. Ma concentration est intense,
comme lorsque je pratiquais l'escalade en solitaire.
Nous savons, la delphine et moi, que nous allons
réussir. Je n'entends plus rien. En revanche, mes autres
sens sont en éveil : je la vois, je la sens, ou
plutôt je la ressens. le mot exact me
manque.
Je laisse
glisser sans le retenir le fil de crin ; la
delphine a un peu peur. Je la rassure en lui
parlant : j'agirai quand elle le décidera. On
communique par 'évent interposé' ! Pour ma
part, c'est ma bouche qui tente d'imiter les cliquetis
du dauphin. Je lui montre un gant que je passe à ma main
gauche. Je fais le choix de garder ma main droite nue.
Ainsi mes deux mains sont vraiment
complémentaires : l'une est protége, l'autre, non
couverte, est plus précise. De plus, la main sans
défense est une preuve de confiance envers la delphine.
Nous n'aurons peut-être qu'une seule occasion. La
delphine passe une fois devant le gant.
Elle a
compris, fait demi-tour et pose son rostre dans ma main
gauche. Je maintiens sa tête hors de l'eau. Je la
caresse sur son oil droit : la confiance est
totale. J'essaye de découvrir rapidement le sens et la
direction à donner à l'hameçon afin d'en sortir
l'ardillon en arrachant le moins de gencive possible.
'Pointe Noire' tourne légèrement la tête pour m'indiquer
la meilleure technique. L'opération, qui dure une
dizaine de secondes, n'est pas facile. Contrairement aux
'Tursiops', l'amplitude d'ouverture des mâchoires des
'Bleu et Blanc' est très faible. Ma main gauche est
coincée entre les dents pointues de la delphine qui ne
manifeste aucune résistance. Je réussis enfin à sortir
l'hameçon de la main droite. L'aileron dorsal de 'Pointe
Noire' tremble, elle a eu la trouille de sa vie. Elle
est certainement la première delphine 'Bleu et Blanc',
espèce particulièrement sauvage, à s'être autant
approchée de l'homme.
Je répète
sans cesse à Patrick Lelong : 'Incroyable, elle
s'est laissée faire, un 'Bleu et Blanc', ce n'est pas
possible'.
Pour la remercier de son courage et de
sa confiance, je vais à l'eau et lui donne les dernières
sardines. Pour l'équipe de télévision, c'est du gâteau.
Incrédule, Daniel, qui avait ma caméra a tout filmé. La
delphine partie, je réponds aux interviews dans un état
psychique étrange. Je me réjouis que les journalistes
partent : après quarante minutes de concentration,
je craque. J'étais sûr de mon coup (ou plutôt de
notre coup) et pourtant j'ai dû contenir toutes mes
émotions. Nous avions deux possibilités : les
pinces ou mes mains. Le dauphin et moi-même avons choisi
la méthode douce.
Ce
qui s'est passé me conforte dans l'idée que si l'homme
sait être à l'écoute, ce genre de confiance
inter-espèces peut se renouveler. Il ne tient qu'à
l'espèce humaine d'en décider ».
Texte original et photos à
voir sur "L 'homme qui parlait aux
dauphins".
Pointe
noire aux Embiez-2000-
-Que vous a (ont)
apportée(s) cette (ces) rencontre(s) ?
En fait toutes les
rencontres sont différentes car elles sont toujours dans
des contextes différents : en pleine mer, dans un
port, avec une caméra sous-marine ou « en totale
liberté » de mouvement.
Il y a des rencontres lors
desquelles le dauphin peut être en détresse (coincé dans
un port ou entouré de haut fond ou pour un problème
physique...) et, dans ce cas là, on essaye tout
simplement d'apporter son aide et lorsque cela marche,
on éprouve bien entendu un sentiment de joie, une
impression d'avoir fait quelque chose d'extraordinaire.
Bien sûr, la première rencontre est bien différente des
autres suivantes. Finalement on se dit qu'on a pas mal
de chance en sortant de l'eau surtout quand on pense que
la journée aurait pu se passer au boulot à l'usine, dans
un bureau ou dans un lit d'hôpital. Pour moi ce type de
rencontre me conforte dans le style de vie que j'ai
choisi, voilà tout, mais ce genre de sensation peut
aussi bien se produire avec la rencontre d'un autre
animal « un peu » mystique comme le Dugong ou le
Requin Baleine par exemple.
-Avez-vous une ou
plusieurs anecdotes à nous livrer ?
Il y en a presque trop !
Difficile de les raconter sur papier tant l'ambiance
générale est importante. Les histoires que je me
plais à raconter lors des conférences sont les
relations extraordinaires entre les chiens et les
dauphins. La plupart du temps, les dauphins
préfèrent la compagnie des compagnons canins plutôt
que celles des hommes, ce qui fruste pas mal de
baigneurs en mal de « Grand Bleu ». C'est une
situation un peu cruelle certes, mais c'est la « loi
du marché ». La plupart des hommes n'apportent pas
grand chose au cétacé, la plupart sont des piètres
nageurs qui ne pensent qu'à toucher l'animal et
voilà tout. Cela remet en question pas mal d'idées
reçues sur le dauphin.
-Avez-vous tissé des
liens particuliers avec l'un de ces dauphins, la nature
de votre relation évoluait-elle au fur et à mesure des
rencontres ?
De toute façon, le cétacé
est un animal doué de raison, comme le dit le livre,
donc bien entendu les relations évoluent comme ce
serait le cas avec un être humain et avec certaines
variantes. En fonction de l'individu les relations
évoluent différemment et ce suivant l'espèce, le sexe ou
l'âge de l'animal, mais c'est aussi le cas avec
beaucoup de mammifères. J'ai bien sur tissé des liens
importants mais j'essaye toujours de les casser afin
que personne ne devienne dépendant. Lorsque je
travaillais en delphinarium, cela n'était pas très
important mais un dauphin dit « ambassadeur » n'a rien
de bon à rester en compagnie des hommes et il doit
retourner impérativement avec les siens. Ma première
expérience la plus marquante est qu'un dauphin femelle
sauvage m'ait présenté son delphineau juste après
l'accouchement et c'est la «tante»* qui est venue me
chercher. Ensuite le petit est mort car né trop tôt et
la situation a été très particulière, il y avait
réellement une relation d'amitié entre ces deux
delphines et moi-même.
* Une « tante » est une
dauphine qui assiste la future maman lors de son
accouchement.
-Quelle(s) hypothèse(s)
vous semble la (les) plus plausible(s) quant à l'intérêt
que porte le dauphin à l'homme : individu dominé rejeté
de son groupe, ancien pensionnaire de l'armée ou d'un
delphinarium qui tente de « renouer » avec son ancien
maître, co-évolution ou autre ?
Et bien la réponse est
égale à la question !!! Tous les cas sont différents,
vous avez oubliez que certains cétacés se perdent
près des côtes à cause de la structure particulière
des hauts fonds ou pour d'autres raisons. Cependant je
me demande parfois si certains dauphins ne
considèrent pas l'homme comme une sorte de Dieu, un
guérisseur. C'est l'hypothèse que nous avons soulevée
avec l'institut Paul Ricard pour l'histoire des
dauphins des Embiez. C'est une idée que je défends
souvent mais comme je le disais, il y a de tout. En fait
les dauphins fonctionnent comme les hommes et il peut
arriver que certains individus choisissent de vivre avec
des êtres d'une autre espèce comme j'ai pu le faire
moi-même lorsque j'étais en Australie. Anthropomorphisme
oui, mais pourquoi pas ?
-Faut-il laisser les
hommes approcher les dauphins ambassadeurs/solitaires et
laisser les interactions se dérouler, ou, au contraire,
les « cacher » pour les protéger
?
Au début je croyais qu'il
était bon de mettre en relation les animaux et les
hommes et j'y croyais encore lors de ma première
année avec le dauphin Dolphy. Mais il est certain
que c'est (hélas) une erreur car l'homme n'est pas
du tout raisonnable. A Collioure, il a m'a fallut monter
une équipe de nuit afin de surveiller le sommeil de
Dolphy car c'était vraiment le cirque. Nous avons pu
constater que l'harmonie entre l'homme et la faune
sauvage, est à des années lumières. Cela est
possible dans certaines régions comme j'ai pu le
voir en Australie ou en Polynésie car les mentalités
sont bien différentes. Mais alors en France c'est
vraiment trop le cirque, faut dire que le Français
est particulièrement pénible pour ce genre de choses. En
bref, y'a du boulot !
Je connais depuis
quelques années un dauphin solitaire en Europe (répertorié
nulle part) et je préfère ne pas en parler car sa
position ressemble beaucoup à celle de Dolphy (station
balnéaire, pêcheurs locaux difficiles, accès dans l'eau
facile, scientifique sans scrupule basé non loin). Comme je
ne peux pas être réellement présent et assumer mes
actes (car si on médiatise il faut sacrément bosser
derrière) je préfère garder le silence. Il ne faut pas
oublier qu'il existe deux types de dauphins ambassadeurs le
type « Dolphy » (compliqué !) et le type
« Fanny » (pas de réelle protection nécessaire
vu l'environnement !). Dolphy c'était extrême et
j'espère que cette situation ne se reproduira plus,
quant aux autres à venir essayons de leur donner une
bonne image de nous mêmes. |